Cherbourg et les sous-marins : deux mots qui sont étroitement liés depuis plus d’un siècle et qui font régulièrement la une des journaux !
“Le projet Cœlacanthe” de François Lequiller est un roman d’espionnage qui plonge les lecteurs en pleine guerre froide, au moment où De Gaulle prend la décision de lancer l’ambitieux programme, appelé Cœlacanthe, de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, les fameux « SNLE ».
À cette époque, bien décidés à conserver leur avance sur la France, les Américains et les Russes surveillent de près les innovations des brillants ingénieurs français. Et le KGB a de multiples cordes à son arc pour arriver à ses fins, y compris une irrésistible « hirondelle rouge » !
Ce récit haletant nous emmène de Cherbourg à Toulon, de Moscou à Cuba, nous confronte à la psychologie tortueuse des espions, des espionnes, des traîtres et des agents doubles, nous plonge dans le milieu très fermé des ingénieurs et des sous-mariniers, tout en nous surprenant par des rebondissements totalement inattendus. C’est qu’une autre histoire, très sombre, qui remonte à la guerre et à la Résistance, s’entremêle étrangement à l’intrigue principale. La vengeance d’une veuve dont le mari a été dénoncé en 1942 va-t-elle faire exploser la stratégie des maîtres-espions ?
Toujours aussi bien documenté, François Lequiller a le talent de vous immerger (le mot est particulièrement adapté ici !) dans des mondes peu connus, au fil d’une aventure palpitante dont on a du mal à s’extirper.
Un huitième roman passionnant pour découvrir l’histoire autrement
François Lequiller est un auteur prolifique avec un univers très singulier.
Amoureux de sa région d’adoption, ce passionné d’histoire écrit des romans accessibles à tous qui offrent plusieurs niveaux de lecture :
- Les Normands sont séduits par l’angle original choisi et le fort ancrage local ;
- Les passionnés d’histoire apprécient la qualité de la documentation qui sert de toile de fond aux romans ;
- Les amateurs de littérature se laissent emporter par une histoire palpitante qui tient en haleine jusqu’à la dernière page.
L’auteur jongle aussi avec des univers très différents. Alors que son livre précédent, “Amaïké”, faisait penser à un conte de fées pour adultes, “Le projet Cœlacanthe” est un roman d’espionnage qui plonge le lecteur dans le milieu très fermé des sous-marins, en pleine guerre froide.
Avec toujours, une plume qui invite au voyage : cette fois, François Lequiller part de Cherbourg pour mieux explorer ensuite la Russie soviétique.
Et que les fans de l’auteur se rassurent : ce huitième roman est aussi une œuvre de couple puisque c’est son épouse Elisabeth qui a réalisé les aquarelles pour illustrer la couverture et chaque chapitre.
Extraits
La vengeance de la veuve rouge.
Son nom de guerre était « Koba », le premier pseudonyme de Staline, son idole. Il s’appelait en vérité Hector Marie et était originaire de Ferville, un petit village du Cotentin. Depuis sa plus tendre enfance, il avait été un révolté. À peine en âge de servir, il avait déserté. Recherché par la police, il avait réussi à s’embarquer sur un cargo et, profitant d’un naufrage, avait changé d’identité et s’était caché au Brésil pendant toutes les hostilités de la première guerre mondiale. Il était devenu bolchévique et, une fois la guerre finie, était retourné à Cherbourg pour y fonder la première cellule communiste. Il y avait rencontré sa future femme, Louise, tout aussi engagée. Beaucoup plus jeune que lui, elle l’idolâtrait et l’avait suivi pas à pas dans sa fulgurante épopée au sein du Parti, d’abord comme responsable des cheminots de Caen, puis comme chef de l’organisation des anciens combattants communistes, l’ARAC. Elle lui avait donné trois enfants que, dans leur furie idéologique, ils avaient appelé Vladimir, Rosa et Karl. Koba était tout pour Louise : une référence permanente, un exemple inégalé, un tribun sans pareil. Bref, un demi-dieu !
Ce fut en janvier 1942 qu’elle le vit pour la dernière fois. Alors que la petite famille partageait une maigre soupe, serrés les uns contre les autres autour d’un poêle tiède alimenté des quelques bouses de vache séchées que les enfants avaient pu récolter dans les champs alentour, l’arrivée inopinée de leur démiurge venu d’un autre monde fut comme une fête. Surtout qu’il avait entre ses bras un cadeau pour chacun : un jambon entier pour la famille, une bouteille de vin pour Louise, l’intégrale de Conan Doyle pour Vladimir, une poupée pour Rosa et une locomotive miniature en bois pour Karl. Cette soirée fut mémorable bien qu’ils ne se doutassent nullement que c’était la dernière avec lui. Quand ils se réveillèrent le matin, il était déjà parti. Louise l’avait accompagné à la porte, à quatre heures du matin, encore tout émue de leur corps-à-corps nocturne. En le voyant disparaître dans l’obscurité, elle eut comme un pressentiment.
Deux semaines plus tard, elle fut prévenue de son arrestation par une simple note glissée sous sa porte. Elle savait très bien ce qui allait lui arriver et s’effondra, en larmes, devant des enfants traumatisés. Cette missive, elle la garda précieusement, même après qu’il eut été fusillé. Elle contenait un mot qui allait se graver indélébilement dans sa mémoire : dénonciation. Depuis ce moment, elle ne pensa qu’à une chose : le venger.
À bord d’un sous-marin !
Karl entendit le claquement sec du lourd panneau d’accès au massif que le troisième souquait. Ça y était, le sous-marin était clos ! Le trois galons, l’uniforme trempé, posa les pieds sur le pont, lui fit une vague grimace et suivit le chemin qu’avait pris son supérieur. On entendit la voix de ce dernier :
– Ouvrez les purges ! Venez à dix mètres !
Comme à chaque fois, l’ordre fut répété. Devant Karl, un pompon rouge releva un premier puis un deuxième manchon. On entendit clairement l’eau qui s’engouffrait entre les deux coques. Lentement, le plancher gîta légèrement vers l’avant. Un hurlement sinistre de klaxon se fit entendre. Ils plongeaient ! Karl eut un pincement au cœur. Devant lui, à peine à deux mètres, le marin, dos aux manchons qu’il venait de débloquer, le contemplait, l’air amusé par l’anxiété qu’il pouvait lire dans ses prunelles. Karl nota qu’il avait un visage étrangement parsemé de trous de variole. Il s’efforça de lui sourire, mais il savait que cela ressemblait plus à une grimace.
– Immersion dix mètres, entendit-on crier du fond du central opérations.
– Assiette moins dix ! lança le pacha.
– Toutes purges ouvertes, lui fut-il répondu quelques secondes plus tard.
– On a admis cinq cents, dit une voix.
– Préviens-moi à une tonne, répondit calmement une autre.
Le sol sembla se dérober un peu plus. Karl s’agrippa à un montant de l’échelle.
– Immersion vingt mètres, entendit-il quelques secondes plus tard.
Soudain, il entendit un craquement. Il sursauta en pensant aux tonnes d’eau qu’ils avaient au-dessus d’eux et qui pourraient broyer le sous-marin comme un fétu de paille. Se pourrait-il ? Il croisa le regard encore plus amusé du matelot. Il eut honte. Apparemment, tout était en ordre… Le type lui chuchota :
– Ne t’en fais pas, on ne peut pas aller profond par ici. Quarante mètres, c’est un maximum. Je pense qu’on va s’arrêter à trente.
– On peut aller à combien au maximum ?
– Deux cents mètres. C’est ce qu’on appelle P. C’est la moitié de l’immersion de destruction.
Encore un mot de ce jargon impénétrable… Il n’eut pas le temps de demander quel était le rapport entre la profondeur maximum et le bruit du vent odorant qu’on expulse par son derrière, car on entendit, coup sur coup :
– Immersion vingt-cinq mètres.
– Fermez les purges, dit le commandant.
– Immersion de sécurité. Assiette zéro. On stabilise, répondit en écho une autre voix.
– Moteur avant 3, ordonna une autre voix.
– Tu vois, lui dit le marin, on ne va pas dépasser trente mètres.
Le bateau retrouva en effet rapidement son horizontalité. Karl apprécia et commença à se détendre. Le calme avait remplacé les secousses de la mer déchaînée trente mètres plus haut. Le submersible était maintenant d’une stabilité incroyable, naviguant comme dans du coton. Retrouvant ses esprits, il se remémora la loi d’airain du principe d’Archimède : le poids du sous-marin étant exactement égal au volume d’eau qu’il déplaçait, il était à l’équilibre. Le bruit sourd et régulier du moteur électrique lui parut soudain agréable.
Un agent double du KGB.
– Hello, Mister Klimov, fit le nouveau venu.
Son accent ne fit que confirmer son origine. C’était un Français, très probablement du SDECE. Viktor aimait bien les Français. Ils étaient kulturny, pas comme ces cow-boys du Nouveau Monde.
– Bonjour, répondit Viktor en français.
L’homme sourit.
– Vous comprenez le français ? questionna-t-il dans sa langue.
– Un peu.
Colin s’interposa :
– In English! ordonna-t-il.
– Of course, fit le Français, en continuant dans cette langue : la CIA nous a appris que vous avez eu accès à des informations sur les réseaux soviétiques dans notre pays. Est-ce vrai ?
– Oui, marmonna le prisonnier.
– Pouvez-vous nous donner des éléments sur la nature de ces réseaux ?
Viktor lui sourit. Le Français était poli, mais ce n’était pas pour cela qu’il allait se laisser conter :
– Soyons clairs, cher Monsieur du SDECE, je ne donnerai des détails que quand ma famille sera à l’abri à Washington.
Le Français ne parut pas surpris :
– Je vous comprends, mais, d’un autre côté, mes amis américains ne sont pas entièrement convaincus de votre sincérité. Vous pourriez très bien être un imposteur. Essayez de nous donner au moins des indices qui pourraient nous confirmer que vous savez des choses… disons… confidentielles.
Viktor se trémoussa sur sa chaise. Il hésitait. Jusqu’où aller ? Il se décida :
– Une de nos sources est un haut fonctionnaire de votre gouvernement qui a pour nom de code Rubis au KGB.
– Connaissez-vous son véritable nom ?
Viktor ricana :
– Vous êtes complètement fou ! Seul son officier traitant à Paris le connaît. Moi, je n’ai eu accès qu’aux dépêches cryptées.
– Alors, donnez-moi au moins une information concrète que ce renégat aurait transmise.
Il y en avait de nombreuses. Cela faisait des années que Rubis trahissait son pays. Viktor choisit l’une des dernières auxquelles il avait eu accès avant d’être nommé à Helsinki :
– Votre gouvernement a relancé un programme de réacteur de propulsion nucléaire pour sous-marins.
Il écrit, elle peint… le livre unit leur passion !
François Lequiller, après avoir fait une carrière dans l’administration économique française, a été en poste dans plusieurs organisations internationales et, à ce titre, a roulé sa bosse en Afrique, en Europe et aux États-Unis.
Il est l’auteur de deux manuels économiques qui lui ont donné une notoriété internationale dans le milieu de la statistique économique. Il est marié à Elisabeth, son illustratrice, et a deux enfants.
Depuis vingt ans, la providence l’a conduit à acheter une maison dans un petit hameau du Cotentin, entre Coutances et Granville, sa région d’adoption.
Il a raconté dans la trilogie « Le Pont de la Roque » les aventures d’Isabelle Colas, son héroïne inspectrice de police, tandis que sa trilogie « Les Dunes du Cotentin » nous a fait découvrir la saga de la famille Marie au parcours aussi brillant que tragique.
Dans « Amaïké », son précédent roman, un véritable conte de fées pour adulte, il a rapporté l’histoire extraordinaire, mais vraie, d’une jeune amérindienne dont le destin, au dix-neuvième siècle, a croisé celui de notre beau pays du Cotentin.
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