Enseignée à l’université de chirurgie dentaire, la dévitalisation est un acte fréquemment utilisé sur des dents vivantes, lorsqu’elles présentent des lésions trop importantes, en proximité avec le nerf de la dent.
Loin d’être anodin, cet acte présente de réels inconvénients et dangers. En effet, il est important de savoir qu’une dent sur deux dévitalisée est extraite au cours de la vie du patient.
Pour quelles raisons ? Soit en raison d’une fracture, car une dent dévitalisée s’assèche et est donc beaucoup plus à même de casser qu’une dent dite vivante; soit à cause d’un foyer infectieux qui se développe au bout de la racine.
Choix à court-terme et surtout irréversible, faire dévitaliser une dent est un acte qui doit être mûrement réfléchi. Conserver ses dents vivantes est un impératif afin d’optimiser ses chances de les conserver tout au long de sa vie.
Pour ce faire, il existe désormais une alternative : la biodentine, un biociment qui permet de conserver la vitalité pulpaire, autrement dit la bonne santé du nerf dentaire.
Le docteur François Lescuyer, installé à la Défense, s’est ainsi donné comme mission de mieux faire connaître cette technique, qui s’inscrit dans sa vision holistique de la chirurgie dentaire.
Repenser la place de la dévitalisation en dentisterie
La dévitalisation modifie de façon irréversible plusieurs caractéristiques de la dent : elle entraîne une diminution de sa résistance, un assèchement, et bloque sa capacité de régénération. Elle peut donc rendre la dent vulnérable aux fractures et développer des infections apicales (mâchoire inférieure ou supérieure).
Aujourd’hui, la pratique conservatrice remet en question la place de la dévitalisation au sein de l’arsenal thérapeutique. Elle s’appuie, notamment sur une étude prospective suédoise parue en 2015 dans l’International Endodontic Journal.
L’étude qui change la donne
En étudiant l’évolution des dents de 104 patients ayant subi une dévitalisation sur 20 ans, les chercheurs suédois ont mis en lumière le faible taux de conservation des dents dévitalisées : le taux de survie est de 90 % à 5-6 ans, mais chute à 65 % (dont un tiers infectées) sur 20 ans.
« Ces informations doivent pousser les professionnels et les patients à repenser l’utilisation de la dévitalisation et à l’éviter si l’organe dentaire est vivant. Cela permet de conserver les dents dans la bouche et donc de soigner correctement les patients, en fonction des données actuelles de la science », explique François Lescuyer.
La biodentine : une solution conservatrice
La biodentine est un ciment bioactif qui induit la reminéralisation dentinaire et la cicatrisation de la pulpe, permettant une meilleure conservation des dents. Elle est proposée sous forme de poudre conditionnée dans des capsules à vibrer et en flacons pré-dosés de liquide.
Le temps de travail de la biodentine est de 9 à 12 min : il comprend le délai entre le mélange vibreur et la prise initiale. La sèche complète de cette restauration semi-définitive est de 7H. Le patient doit donc être compliant et suivre les conseils post opératoires.
Une méthode efficace
Avec un recul clinique de cinq ans, François Lescuyer fait le point en 2019 sur les bénéfices de ce traitement dans un article paru dans la revue Dentoscope.
Le laboratoire septodont rapporte la néo-formation d’un pont dentinaire. Cliniquement, la conservation de la vitalité pulpaire est atteinte à l’époque déjà dans plus de 80 % des cas en présence d’effraction pulpaire, soit lors d’atteinte grave.
Ces techniques de préservation de la vitalité pulpaire ont une courbe d’apprentissage nécessitant quelques années pour être pleinement maîtrisées. “L’anamnèse de l’organe dentaire, l’âge du patient et la qualité de la cicatrisation semblent influer sur ces taux de succès. » écrit-il.
Je suis jusqu’au-boutiste et je refuse de dévitaliser une dent qui est vivante.
François Lescuyer, chirurgien-dentiste
Une approche holistique
Praticien hypersensible, François Lescuyer a été, dès le début de ses études, mal à l’aise avec l’invasivité conséquente de la dévitalisation, et l’amputation irréversible du capital santé qu’elle entraîne. « Mon hypersensibilité fait de moi quelqu’un d’exigeant sur la qualité des soins prodigués », souligne-t-il.
Lorsqu’il s’est installé en libéral, les choses ne se sont pas améliorées « Je ne pouvais pas ignorer les inconvénients de cet acte ultra technique et donc peu prédictible », raconte-t-il.
L’amélioration des biomatériaux et le lancement de la biodentine lui ont permis de mettre en œuvre sa philosophie : traiter pleinement et ne plus dévitaliser de dents vivantes. « J’ai une pratique luxe et holistique, avec une recherche de biomimétisme poussée », ajoute le praticien.
Une mission : étudier et informer
Pour appuyer sa vision, François Lescuyer réalise aujourd’hui une étude biostatistique rétrospective qui fera le point sur les protocoles de vitalité pulpaire qu’il pratique, et qui paraîtra en 2024.
Il souhaite continuer à faire des recherches axées sur la thérapie régénérative, former et accompagner les jeunes générations.
À propos de François Lescuyer
François Lescuyer a soutenu sa thèse en 2011 à la faculté de chirurgie dentaire de Clermont-Ferrand. Elle avait pour titre « Implantation dans le secteur esthétique : quelles alternatives aux défauts osseux quantitatifs ? ».
En 2013, il obtient un DU d’implantologie et d’esthétique d’Évry Val d’Essonne. L’année suivante, il commence à exercer en libéral à la Défense en tant que praticien conservateur. En 2014, il arrête de réaliser l’acte de dévitalisation.
Depuis 2019, François Lescuyer publie et alerte sur la dévitalisation systématique. En 2022, il fait un cursus Post Graduate au centre 26 K à Paris, étudiant la chirurgie mucco-gingivale.
Pour en savoir plus
Site web : https://dr-lescuyer-francois.chirurgiens-dentistes.fr/
L’étude du docteur Lescuyer : https://dr-lescuyer-francois.chirurgiens-dentistes.fr/content/publication-sur-la-pratique-conservatrice-la-d%C3%A9fense-dr-lescuyer
LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/fran%C3%A7ois-lescuyer-96396978